Tongoro Studio, Collection Anniversaire, © Trevor Stuurman

L’Afrique en fête

Jonché de journées de commémoration à l’intention de l’Afrique, le mois de mai donne le ton.  Il nous semblait important de contempler les mutations de cette célébration polyforme.

Ce mois-ci, nous traitons de l’évolution contemporaine de la célébration africaine. Aussi, un bilan des controverses de restitution d’œuvre à l’Afrique s’impose, avant d’ouvrir la voie en exposant des pistes de réflexion pour une réappropriation juste de cet héritage culturel, de plus en plus ouvert à l’appréciation mondiale.

 

L’IMPORTANCE DES JOURNÉES MONDIALES DE CÉLÉBRATIONS AFRICAINES

 

Le 5 mai dernier était célébrée la journée du patrimoine mondial africain. Instauré en Novembre 2005 par l’UNESCO, elle a pour but de mettre en avant le patrimoine culturel, et naturel, africain inscrit sur la liste de l’institution. Elle tend à aider à la répertoriage, la sauvegarde et la transmission du patrimoine du continent. Cependant, cette journée reste très mal connue.

© UNESCO, Mosquée Sankoré, Tombouctou, Mali
© UNESCO, Mosquée Sankoré, Tombouctou, Mali

Autre mal aimée, le 25 mai, dit Africa Day. Journée de commémoration de la fondation de l’ancêtre de l’Union Africaine, l’Organisation de l’Unité Africaine (25 mai 1963, Addis-Abeba, Ethiopie), elle symbolise un tournant dans la marche vers la liberté des États africains. Se voulant une journée de rétrospection et de résolutions pour une Afrique plus unie, indépendante et forte sur les plans politique, économique et social, elle n’est pourtant célébrée que dans une poignée de pays africains, à l’instar du Mali ou de la Guinée. Chaque année, un thème vient orienter les débats et les objectifs stratégiques. Lutte contre les conflits armés, automatisation des femmes, lutte contre la corruption, sauvegarde, restitution et valorisation du patrimoine ou encore nutrition sont autant de sujets abordés au fil des années.

D’un point de vue culturel, Africa Day se veut une occasion de célébrer la richesse,  la beauté et  les innovations créatives du continent, et de ses diasporas à travers le monde.

Les avis divergent sur l’importance et le véritable impact de tels rendez-vous.

 

Pour Alyssa Barry, architecte-urbaniste spécialiste du patrimoine culturel africain, passionnée d’art contemporain africain, et fondatrice de Afreakart, plateforme dédiée à la promotion de l’art contemporain d’Afrique et de ses diasporas, l’importance de ces journées est réelle : “Je pense que c’est une bonne occasion de sensibiliser à l’importance du patrimoine mondial africain, surtout qu’il n’est pas assez connu. Quand on demande aux gens s’ils peuvent citer des sites patrimoniaux africains, il n’y a pas beaucoup de noms qui ressortent. C’est pourquoi une journée comme ça (le 5 mai) est une bonne initiative.

 

Maintenant, je pense qu’il ne faut pas se concentrer que sur cette journée. Il ne faut pas oublier qu’il y a tout un ensemble d’autres sites, d’autres objets culturels, d’aspects culturels qui ne sont pas inscrits, et qui ne sont pas moins importants pour nous, africains.

 

Par exemple, je pense aux coiffures et le fait que les coiffures africaines soient quelque chose de tellement ancestrales, traditionnelles, qui représentent tellement la femme africaine. C’est quelque chose que l’on devrait aussi pouvoir mettre en valeur. Autre exemple, la gastronomie africaine. Il y a plusieurs autres éléments comme ça que l’on devrait pouvoir célébrer et mettre en valeur, qui ne sont pas inscrits sur la liste du patrimoine mondiale de l’UNESCO. Mais, ils font partie de ce que nous sommes. Ils font partie de notre patrimoine culturel en tant qu’africains.

Tongoro Studio, Collection Anniversaire, © Trevor Stuurman
Tongoro Studio, Collection Anniversaire, © Trevor Stuurman

La journaliste et auteure Emmanuelle Courrèges fait partie de ceux, sceptiques, qui y placent peu d’espoirs. Elle souhaite voir au-delà de leur symbolisme: “Je pense que s’il faut les mentionner, comme n’importe quelle autre journée importante… Une journée reste seulement une journée.

Pour le dire autrement, je crois qu’il faut que cette célébration s’accompagne surtout d’actes concrets et d’engagements. Je crois aussi plus que jamais à une célébration qui se modernise et qui sache articuler de manière hyper contemporaine, urbaine, sexy, le passé et le présent, la tradition et l’innovation.

Pour cette fervente promotrice de la création africaine, cette dernière a surtout besoin de plateforme d’expression et de ressources pour laisser s’épanouir pleinement ses talents, sa vision et ses discours.

Alors, si la place des journées de commémoration et de célébration tel que l’Africa Day reste encore à embrasser, parfois à redéfinir pour certains, il n’en reste pas moins que le message est clair. Une journée ne suffira pas pour faire avancer les causes et les revendications de la création, et de la scène culturelle africaine. Il s’agit d’un engagement quotidien, d’un processus de réappropriation identitaire et culturel qui se veut aussi bien personnel que collectif. L’avenir des héritages du patrimoine des cultures d’Afrique est entre les mains de ses ambassadeurs et, bien que figurer sur les listes de l’UNESCO et une journée de célébration fasse leur effet, elles ne remplacent pas les initiatives concrètes.

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